Billet de Caroline Engindeniz, étudiante en Commerce International, portant sur Les Heures de Michael Cunningham (année 2016-2017)

C’est l’histoire de trois femmes, trois vies différentes se déroulant à des époques différentes et qui pourtant, sont étroitement liées.

Virginia Woolf, Laura Brown et Clarissa Vaughan partagent une même passion pour les livres. Ces derniers incarnent l’un des piliers sur lesquels ce roman est fondé. La première est écrivaine, la troisième éditrice, enfin, la seconde est simplement, mais de manière existentielle pour l’histoire, la lectrice.

 

Même si les vies de ces jeunes femmes paraissent totalement étrangères les unes des autres et également très banales, des doutes concernant les liens entre elles se forment rapidement dans nos esprits au cours de la lecture. Le roman est basé sur une seule journée dans la vie de chacune de ces femmes, mais une journée déterminante dans leur vie et aussi pour le lecteur car ces 24 heures lui permettent de percevoir leur caractère, leurs pensées et sentiments, d’où le titre Les Heures. Il s’agit d’un jeu de miroir entre trois personnages et trois époques : le fil directeur est Mrs. Dalloway, le roman de Virginia Woolf.

 

Virginia, écrivaine vivant dans les années 1920 en Angleterre, en pleine réflexion sur le destin de Mrs. Dalloway, personnage de son nouveau roman, dépeint par l’écriture la vie d’une hôtesse qui organise une réception. Clarissa, éditrice vivant à New York à la fin des années 1990, organise une réception pour son ami Richard, qui doit recevoir le prix Carrouthers pour l’ensemble de son œuvre poétique. Enfin, Laura, femme au foyer qui vit à Los Angeles dans les année 1940, mène une existence incomplète, fade, auprès de son mari et de son fils «Richie». Elle lit Mrs. Dalloway pour fuir sa triste réalité.

Trois femmes d’horizons très différents et néanmoins liées entre elles par une même connivence de l’esprit, une même sensibilité proche du désespoir et de la détresse. Toute l’intrigue tourne autour de la découverte de leur destin et c’est seulement à la fin du roman que nous comprenons vraiment quel lien les unit, ce qui nous ramène à revisiter certaines pages du livre.

 

Ce qui fait de ce roman une œuvre hors du commun, outre la subtilité avec laquelle il entrecroise constamment les histoires qui ne cessent de se faire écho et ainsi s’enrichissent mutuellement jusqu’à se rejoindre à la fin, c’est aussi et surtout, selon moi, la façon dont il traite des thèmes forts tels que la condition de la femme, la folie, le suicide, l’homosexualité. Ces quatre thèmes sont abordés avec beaucoup de finesse et leur évocation connait une forte évolution tout au long du roman, ce qui marque bien les changements d’époques entre les trois femmes.  Prenons l’exemple de l’homosexualité. Ce thème est tout d’abord présenté comme une idée naissante dans l’esprit de Virginia au début du XXème siècle pour son personnage Mrs. Dalloway. Laura, fidèle lectrice, très influencée par cette oeuvre, a par la suite envie de faire la même chose de Mrs. Dalloway, et se retrouve troublée face à l’une de ses amies. L’évolution de ce thème s’achève avec l’homosexualité déclarée et libérée de Clarissa, qui est ouvertement en couple avec Sally depuis presque vingt ans et qui a une fille lesbienne.

 

L’auteur, a su me faire vivre dans l’univers de chacune de ces trois femmes, il a su me faire ressentir toutes leurs émotions, leur détresse profonde. Je me suis tellement impliquée que la lecture de certains passages a été assez difficile émotionnellement parlant, notamment lorsque Laura Brown décide d’aller mettre fin à ses jours dans un hôtel, ne supportant plus l’existence qu’elle mène, également le récit de la décision fatale de Richard et des raisons de celle-ci.

Enfin, un point qui m’a particulièrement marqué et plu est la volonté très forte de Virginia Woolf de tuer un des personnages de son roman pour que les autres apprécient davantage la vie. La mort de l’un est nécessaire à la vie de l’autre.

«Mrs Dalloway dit qu’elle irait acheter les fleurs elle-même.» Virginia Woolf.