ROMAIN DUMONT, ETUDIANT EN B.T.S. ASSURANCE, LORSQUE J’ETAIS UNE ŒUVRE D’ART DE E. E. SCHMITT

Lorsque j’étais une œuvre d’art, ou l’histoire d’un homme désespéré qui va devenir la chose d’un artiste fou dans une société d’apparence. 

Un jeune homme, Tazio (dont nous ne connaitrons le nom original qu’à la fin du récit) a pour projet de se suicider. Il est fatigué de sa vie, se trouve inintéressant, d’une laideur incommensurable, et rate tout ce qu’il entreprend, même ses suicides, bref, ce n’est vraiment pas la joie. Il souhaite donc mettre fin à ses jours une bonne fois pour toutes, mais va être interrompu par une personne, Zeus Peter-Lama, célèbre artiste contemporain, qui lui propose un marché : Tazio doit lui accorder 24h de sa vie, en échange il lui redonnera l’envie de vivre, en le faisant « renaitre » sous la forme d’œuvre d’art, appelée Adam Bis. Oui, la simple lecture des noms vaut bien un long discours…

C’est un récit très plaisant à lire… On s’identifie facilement à Tazio, jeune homme banal, mal dans sa peau, victime de cette société d’apparences. Le style d’écriture est dynamique, les péripéties s’enchainent avec rapidité et le suspens est constamment relancé. On se demande sans cesse quelle nouvelle trouvaille va surgir. L’ensemble est diablement efficace.

En parlant de diable justement, j’ai apprécié l’originalité de cette réécriture du mythe de Faust. Tazio va vendre son « corps » à Zeus-Peter Lama dans le but d’être connu, et reconnu par son physique. Zeus-Peter Lama est donc identifié au Diable, mais comme son nom l’indique, il fait également référence à Dieu, ou plutôt au Dieu des dieux. Schmitt s’amuse et nous amuse en jonglant ainsi entre ces deux références.

Ce livre m’a fait penser à une farce par endroits mais il aborde aussi des thèmes sérieux comme celui de l’apparence, de la perception que l’on a de soi, du monde qui nous entoure mais aussi celle que les autres ont de nous. Tout au long du récit, la perception de Tazio sur le monde va évoluer, ce qu’il pensait être une vérité au début va se révéler faux, du coup, toutes ses certitudes s’écrouleront. Cela nous montre la fragilité des vérités sur lesquelles on construit et on estime notre vie d’autant plus qu’elles reposent sur le physique et sur le jugement supposé d’autrui. Autre thème abordé, celui de l’art. Qu’est-ce qu’une œuvre d’art ? Qu’est-ce qui distingue un artiste véritable d’un imposteur médiatique ? Suffit-il de créer de l’inédit et d’être célèbre et reconnu pour se dire artiste ? Un personnage de l’ombre, Carlos Hannibal, peint l’invisible et propose une approche inverse et bien plus profonde de l’art que celle de Zeus-Peter Lama

En revanche, si la lecture est facile, si les idées sont bien trouvées, au bout d’un moment le récit semble s’essouffler et les rebondissements finissent par tourner en rond. Schmitt nous utilise souvent la même mécanique : Zeus Peter Lama va multiplier les stratagèmes afin de rendre Adam Bis célèbre et ainsi augmenter sa valeur. Autant la première fois, la surprise est de taille, autant, par la suite, on finit par se lasser un peu. De plus, les personnages sont très caricaturaux, cela limite la profondeur des réflexions menées.

Mais ne boudons pas notre plaisir, ce récit est drôle, intelligent et agréable à lire. Il soulève beaucoup de questions intéressantes qui nous concernent tous. N’hésitez pas : lisez l’histoire de cet homme en quête d’identité qui se transforme en œuvre d’art pour finalement prendre conscience de sa valeur humaine…